- BEGRAM
- BEGRAMÀ 60 kilomètres au nord de Kaboul, au confluent du Gorbhand et du Pañjshir, une ville de faible importance, flanquée au nord-ouest d’un poste militaire fortifié (l’actuel Bordj-i‘-Abdallah), semble avoir existé au VIe siècle avant J.-C. Détruite par Cyrus, restaurée par Darius, fortifiée et reconstruite par Alexandre le Grand (probablement la Nicée d’Arrien), elle devint capitale sous les rois gréco-bactriens. Connue dès Darius (inscription de Bisutun) sous le nom de «ville de K piça», elle fut la K piç 稜 des empereurs Kush na, leur résidence d’été dès le Ier siècle de l’ère chrétienne, alors qu’ils partaient à la conquête de l’Inde, où Mathur devint leur capitale d’hiver. Le plus grand de ces souverains, Kanishka, y construisit une cité nouvelle. Son abandon – cette fois définitif – semble dater de la campagne que mena en 241 en Afghanistan, alors qu’il n’était encore que prince héritier, le Sassanide Sh hpur Ier.Un centre de commerce «international»Défendue par un mur fortifié en briques crues, de plan rectangulaire, flanquée aux angles de solides bastions et peut-être longée d’une douve, elle possédait une porte principale au milieu du mur méridional. De là partait une avenue, qui traversait la ville de part en part et qui éteit bordée d’échoppes et d’ateliers formant un bazar.Les fouilles exécutées sur l’ensemble de l’aire archéologique – très endommagée par les labours contemporains – ont livré un matériel d’usage courant et des figurines de terre cuite d’inspiration occidentale, dont certaines ont dû être importées et d’autres imitées localement.Ces trouvailles n’ont pourtant rien de comparable à la découverte faite, en 1937, dans la partie orientale du site par J. et R. Hackin, qui poursuivirent l’exploration en cet endroit en 1939 et 1940. Là, en effet, furent successivement mises au jour deux salles spacieuses (de 8 à 10 mètres sur 6), contiguës, dont les accès avaient été murés à une époque ancienne avec des briques crues. Elles contenaient tout un ensemble d’objets dont la découverte au cœur de l’Afghanistan fut une des plus importantes de ce demi-siècle: des verres, les uns peints, les autres moulés, provenant soit de l’Égypte alexandrine, soit de Syrie; des bronzes hellénistiques de style pompéien; des plâtres originaux (emblema ) venant probablement d’Alexandrie; des sièges et des tabourets de pieds en bois léger plaqué d’ivoire, d’origine indienne; et même des récipients de laque chinois, de style Han.Objets d’artCette découverte était la preuve éclatante de la réalité du commerce «international», qui faisait la richesse des actuelles régions afghanes jusqu’à la mainmise de l’Iran sassanide sur le réseau des pistes caravanières et que l’on ne connaissait jusqu’alors que par des témoignages littéraires et par quelques rares spécimens isolés.Les sujets reproduits par moulage en plâtre sont tout à fait classiques: les Ménades, Arès casqué, une sirène, Dionysos et son cortège, Silène, Ganymède, Athéna, Aphrodite, Héraclès, Ulysse, Diomède, des satyres, le sacrifice du porc et d’autres sacrifices, etc. Les bronzes illustrent les mêmes thèmes: Silène, Sérapis-Héraclès, Harpocrate, Hermès (?), Éros ... Et ceux que l’on voit reproduits sur les verres peints sont de la même veine: gladiateurs luttant, Orphée, Ganymède, enlèvement d’Europe.D’autres types de verrerie, non peinte celle-là, sont également d’origine alexandrine: balsamaires en forme de poisson, décorés de pâte de verre bleue ou verte; gobelets moulés à décor de losanges et gobelets historiés en relief de thèmes clas siques dont le plus intéressant représente le Pharos d’Alexandrie; verres millefiori ; coupes et bols côtelés, en verre bleu; rhyton; vases ornés d’un réseau de fils de verre. Trois récipients d’albâtre sont de style pompéien, tandis que deux objets de porphyre proviennent sûrement d’Égypte.Mais à côté de ce magnifique ensemble, d’origine ou d’inspiration occidentale, celui des ivoires et des os sculptés, lui aussi, offre un intérêt exceptionnel: provenant à n’en pas douter de l’Inde, il atteste à la fois la réalité du commerce de l’ivoire et la virtuosité des ivoiriers indiens que l’on ne connaissait jusqu’alors que par de rares objets isolés. Stylistiquement apparentés aux écoles indiennes de Mathur et d’Amar v t 稜 (Ier-IIIe s.), ces ivoires et ces os révèlent l’utilisation de plusieurs techniques, parfois employées simultanément: haut-relief simulant la ronde-bosse, bas-relief ajouré se détachant sur un fond de mica, décor gravé parfois rehaussé de rouge ou de noir, relief «en réserve», le modelé étant exécuté à l’intérieur du contour profondément incisé.Quant aux sujets, ils mettent en scène – à une écrasante majorité – des jeunes femmes dans leurs occupations et leurs attitudes familières: c’est toute la vie du gynécée royal qui est ici illustrée, telle qu’elle était connue par la littérature indienne, mais qui n’avait jamais été représentée avec cette profusion ni avec cet accent essentiellementprofane. Seules, deux plaques ont un sujet bouddhique; quelques autres figurent des scènes de chasse et ont des hommes pour acteurs.On ne saurait trop insister sur l’importance de la découverte faite à Begr m, puisqu’elle n’apporte pas seulement de précieux renseignements sur les rapports entre l’Occident et l’Orient, mais encore parce qu’elle a fait connaître un aspect de l’art indien jusque-là pratiquement ignoré.
Encyclopédie Universelle. 2012.